Dans le contexte d'une société désorientée, en perte de
légitimation et de références, on ne saurait s'étonner que l'univers
religieux - pratiques, ritualisation, croyances, explications de
l'homme et du monde, normes morales, sociabilité - soit considéré
comme un objet privilégié de discussion. Est-on en train de renier
notre histoire fondée sur le christianisme ? Ou bien, tout cela n'est-il
qu'une crise passagère dont l'issue trouverait l'heureux présage
dans les divers retours annoncés du religieux ? L'existence d'une
crise, quelle qu'en soit la signification, nécessite un regard lucide
sur ce qu'elle implique. Les interrogations sont nombreuses, le
débat rude et souvent passionné. L'observation en ce domaine
s'avère donc tout à fait primordiale.
Pour les auteurs de cet ouvrage, il n'est pas question de rentrer
sur ce terrain pour juger et arbitrer, et notamment il n'est pas
question de mettre le christianisme en accusation. Il ne s'agit pas
non plus, de faire seulement le constat d'un détachement à l'égard
de l'institution de l'Église, voire de la pratique religieuse. Mais il
s'agit d'analyser la réalité d'une déstructuration de tout un système
culturel reposant sur l'héritage chrétien.
Les analyses proposées s'appuient sur une enquête par sondage
exécutée en 1994, mais aussi sur d'autres enquêtes, sur les discours
produits, sur le contexte de toute une évolution culturelle. Ainsi
conçu sur une large base d'exploration, le présent ouvrage,
prolonge, et dépasse sur le plan théorique, un précédent travail
commun, publié en 1991 aux éditions du Cerf, sous le titre : Les
Français sont-ils encore catholiques ? A travers et au-delà de
l'analyse, L'héritage chrétien en disgrâce se veut une réflexion plus
globale sur les principales interrogations de l'homme sur son
origine, son identité et sa destinée, sans avoir à se crisper sur les
données changeantes de son histoire.