Le directeur : Vous comprenez, cher Iouri Petrovski, personne ne doit rester aujourd'hui en dehors de la lumière de l'art et de. la littérature. Notre conception scientifique de la société dit que l'homme est au centre de l'attention du parti. Notre nouvelle conception humaniste, telle qu'elle nous a été enseignée par le Grand Lénine et le Grand Staline, dit que le socialisme n'est pas possible sans la transformation de l'homme. Et l'art, la littérature ont un rôle immense dans la transformation de l'homme... C'est pour ça que je me pose la question : et les malades mentaux ? Ne sont-ils pas, eux aussi, des hommes ? Ne doit-on pas les transformer, eux aussi ? Ne devraient-ils pas bénéficier, eux aussi, des bienfaits de l'art, de la littérature ? Dans la mesure du possible, bien entendu.....Je crois que les malades mentaux de notre société socialiste n'ont rien à voir avec les malades mentaux des pays capitalistes et impérialistes. Nos malades mentaux, nous, on ne les abandonne pas... Nous pensons qu'ils sont guérissables. Nos scientifiques travaillent jour et nuit pour trouver de nouveaux traitements capables de guérir les maladies mentales... Et l'art, la littérature ont peut-être leur mot à dire dans ce combat.
Moscou, 1953. Quelques semaines avant la mort de Staline, le directeur de l'Hôpital central des Malades mentaux invite un écrivain à séjourner parmi les « malades » et lui demande de réécrire, au niveau d'entendement de débiles légers, moyens et profonds, l'histoire du communisme et de la Révolution d'Octobre. Il est persuadé que cette « thérapie » pourrait guérir certains de ses pensionnaires...
Matéi Visniec nous plonge dans l'univers glauque de ces hôpitaux psychiatriques où se cotoient vrais malades et opposants internés par le régime. Il nous démontre une fois de plus que, quelles que soient les circonstances, l'homme ne peut vivre sans utopies... au risque de sombrer dans l'horreur lorsqu'il tente de les mettre en pratique.