À rebours d'une conception classique de l'histoire, pour
laquelle l'historien ne serait qu'un expert extérieur à son objet,
toute l'oeuvre et la vie même de Natalie Zemon Davis opposent un
autre «style» : celui d'une historienne mondialement reconnue
pour ses études sur les XVIe et XVIIe siècles, qui dialogue avec les
personnages qu'elle étudie, en cherchant à comprendre leur
monde, leurs émotions, leurs mots, leurs gestes. Elle a en effet
inventé un art particulier d'interroger le passé des temps
modernes, le passé souvent âpre d'hommes et de femmes
qu'elle s'efforce de tirer de l'oubli. De l'imposteur Arnaud du
Tilh au vrai Martin Guerre, du système du don à la Renaissance
à l'histoire des femmes, elle fait revivre une humanité plurielle
de pensées et de pratiques, de sensibilités et d'espoirs, de
souffrances et de malheurs, de simulations et d'émotions.
Dialoguant dans ce livre avec Denis Crouzet, professeur
d'histoire du XVIe siècle à la Sorbonne, spécialiste réputé des
guerres de Religion, elle raconte comment elle a toujours voulu
faire de ses recherches une joie de la découverte, comment, en
profondeur de ce plaisir, surgit aussi son histoire, celle d'une
famille juive originaire d'Europe de l'Est qui s'intègre avec
passion dans la grande terre américaine. Elle relate encore dans
quelle mesure sa propre vie, ses engagements de citoyenne et
de femme sont pour elle un apprentissage continué de
dépassement des certitudes, un enseignement l'engageant à
écrire pour suggérer à ses lecteurs un message d'espérance,
pour leur dire que l'histoire n'est jamais close, que le tragique
peut toujours être contourné...