L’Humanité occupe une place à part dans le panorama de la presse française. Son histoire est pourtant méconnue. S’il se réclame de l’idéal socialiste au moment de sa fondation en 1904 par Jaurès, il n’est pas pour autant le journal d’un parti. Dès lors, dans une période marquée par l'existence d'une presse populaire à grand tirage, le quotidien fondé par Jean Jaurès sera un acteur de la vie politique et sociale et plus spécifiquement du mouvement socialiste français. Deux ans après sa création, ses difficultés financières conduisent à accentuer la mobilisation des militants socialistes. L'assassinat de Jaurès à la veille de la guerre alors qu'il vient d'écrire son éditorial marque la fin de la période fondatrice.
Soumis à la censure et aux tensions entre socialistes vis-à-vis de la politique d'Union sacrée puis vis-à-vis de la révolution russe, le journal, devient en 1920 à l'issue du congrès de Tours et d'une bataille interne intense, l'organe de la majorité qui fonde le parti communiste. L'Humanité dirigée par Marcel Cachin va vivre désormais aux rythmes des inflexions stratégiques du jeune parti communiste : front unique ouvrier, bolchévisation, classe contre classe, front populaire.
De multiples débats traversent le quotidien parmi lesquels le contrôle des journalistes, leur recrutement et la place en leur sein de militants ouvriers. Toutefois, l'augmentation de sa pagination, la place croissante de la photographie et des romans feuilletons en feront progressivement un journal populaire contribuant, à partir de 1926, sous l'impulsion de son rédacteur en chef mythique, Paul Vaillant-Couturier, à faire vivre l'esprit de Jaurès malgré Lénine.
Appuyé sur des sources souvent inédites, ce livre d’Alexandre Courban retrace la première partie de l’histoire d’un quotidien engagé, de sa naissance à son interdiction en 1939. Plus qu’un journal, l’Humanité se révèle être un organe où se rencontrent les pulsations contradictoires du combat révolutionnaire et de l’émancipation ouvrière.