On ne saurait comprendre l'épanouissement du phénomène totalitaire européen au XXe siècle si on admet, comme on le fait pour ainsi dire sans y songer en France, qu'au siècle précédent la Révolution ait abouti chez nous à fonder la République. Elle a, bien au contraire, débouché sur une interminable guerre civile entre la Gauche et la Droite qui, ouverte ou larvée, s'est très vite étendue à tout le continent. C'est à cette guerre qu'après le premier conflit mondial, les totalitarismes ont prétendu apporter leur solution, qui était de type centriste, mais par addition des extrêmes. L'originalité de la France est d'avoir échappé à cette issue, alors que c'était pourtant sa révolution qui l'avait rendue possible, parce que, grâce à sa victoire de 1918, elle est parvenue à pérenniser la réconciliation des deux partis qui était intervenue en 1914, chez elle comme chez tous les belligérants, dans l'Union sacrée. C'est donc grâce à celle-ci, et nullement grâce à la Révolution, que le régime républicain est alors devenu légitime : sur un mode, en somme, pratiquement inverse de celui qu'avaient voulu les Constituants.