Dans cet ouvrage, Jihen Souki nous livre la substance de ses recherches sur Lorand Gaspar après des années consacrées à l'étude de son oeuvre, mais aussi à sa traduction. Disparu en 2019, l'auteur de Sol absolu laisse une oeuvre brillante, habitée par une soif d'absolu restée vive jusqu'au bout. C'est la poétique de cet écrivain hors-pair, poète-médecin voyageur et l'un des derniers humanistes de notre époque que cet essai explore, en une investigation stylistique qui entend restituer le principe formel de l'oeuvre. S'inscrivant dans le continuum d'une genèse infinie, dans un faire poétique soucieux de répercuter la « vivacité native de la matière du monde » - depuis les déserts de Judée ou du Sud tunisien jusqu'aux circonvolutions du cerveau humain ‒, l'oeuvre de L. Gaspar s'avère nourrie par un substrat conceptuel où le mouvement, au sens cosmique, donne l'impulsion du poétique, et même d'une géopoétique. Reliant ainsi l'écriture d'un homme et d'une expérience singulière aux modulations d'un monde ressenti et pensé comme immanent, cet essai se propose, à travers l'arpentage des géographies électives du poète, de redéfinir la notion de relief dans ce qui peut être considéré comme une géopoétique du texte littéraire. Mais au-delà d'une sismographie du poème de Gaspar, et de l'oeuvre au livre qui l'interroge, une question essentielle est posée, celle de savoir si cette tension poétique vers l'Infini immanent ne serait pas, chez ce poète-chirurgien confronté sans cesse à la douleur et à la mort, une façon de contourner la finitude de l'homme.