Comment apprendre à reconnaître la «cruauté», à la déchiffrer, à saisir son
universalité, sa permanence ? Explorant quelques fragments d'une cruauté
perceptible dans le quotidien, l'auteur provoque la rencontre insolite du
Freud de 1920, de Bion, de Lacan, de Nathalie Zaltzman, de René Major,
mais aussi de Derrida, Blanchot, Faulkner, Saramago.
Entre ces auteurs, les «spectres» s'agitent, communiquent, s'opposent. Ils
déconstruisent sans fin ce qui engendre la cruauté la plus ordinaire.
La pratique maintient le psychanalyste au plus près du malheur. Il apprend
à en déchiffrer l'écriture singulière, à repérer ce qui maintient la mémoire des
traumatismes initiaux. Il entend la «lettre qui manque» dans l'écriture de la
parole, mais aussi «l'écriture du mal» dans la culture ambiante.
Pour desserrer l'emprise individuelle de la «pulsion de mort», il se doit
d'énoncer cette cruauté, là où elle aurait tendance à se rendre très ordinaire,
en particulier celle d'une humanité qui, d'un côté, soigne scientifiquement la
douleur, et de l'autre, ne cesse de la reproduire ou feint de l'ignorer.