Au Moyen Âge, Martin labourait, tournait la meule,
véhiculait les petites gens, aidait les clercs à trancher
sur le libre arbitre. L'âge humaniste l'enrôlera dans
ses débats sur le savoir, la civilité, la divinité. Mais le
discours sur l'âne déborde fonctions et époques, et se
veut tout à la fois pittoresque et familier, réceptacle
de clichés, instrument d'analyse. Et si l'animal se
révélait plus cohérent que ses glossateurs ? Pour
l'établir en sa gloire, il suffit de le montrer dans un
emploi à sa mesure : celui d'un serviteur, encore. Entre
Martin et son image s'est glissé l'homme, qui a trouvé
cet auxiliaire commode pour régler ses comptes avec
lui-même.