
Dès les premières lignes du roman, Marivaux se plaît à avertir le
lecteur de La Vie de Marianne que le voile qui dissimule l'identité de
sa mémorialiste ne sera jamais levé. La présente étude souhaite montrer
que c'est en créant un dispositif fictionnel rendant le mystère de la
naissance de Marianne à jamais impénétrable que Marivaux s'est donné
la possibilité d'offrir conjointement un roman et son double : d'une part
la belle et romanesque histoire d'une illustre infortunée, et d'autre part le
roman d'une jeune fille s'efforçant d'échapper à la misère. Ce perpétuel
dédoublement du roman s'accompagne d'un usage saisissant du «double
registre» consubstantiel au genre du roman-mémoires : accusé à l'extrême
par un exceptionnel effet de présence de la mémorialiste, ce «double
registre» est comme annulé dans son principe même puisque le récit que
nous lisons n'est, au fond, pas d'une autre nature que celui que Marianne
est amenée à produire à maintes reprises au cours de l'intrigue...
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