Si son œuvre bâti - des villas européennes aux lignes simples, quasi néo-plasticiennes, des années 20-30, aux vastes épures parallélépipédiques américaines des années 50-60 - est assez bien connue, sa formation intellectuelle et sa production écrite restaient, jusqu'à la monumentale étude de l'historien et critique d'architecture Fritz Neumeyer, dans l'ombre. C'est bien pourtant ce champ théorique qui fonde toute la philosophie de l'art de bâtir (en allemand, Boukunrt) de Mies, et explique le caractère à la fois résolument moderne et authentiquement classique de son architecture, qui continue à nous fasciner par son évidence formelle et spatiale ainsi que sa perfection constructive.
La transcendance de l'objet matériel en métaphore de l'accomplissement d'un ordre spirituel est chez Mies le fruit d'une quête d'absolu et de rigueur sans faille, nourrie par des lectures de jeunesse régulièrement réactivées, du néo-platonisme à Nietzsche en passant par saint Thomas d'Aquin, l'architecte catholique Rudolf Schwarz, le penseur du Bauhaus Siegfried Ebeling et le prêtre Romano Guardinl. Le fonctionnalisme et la fascination pour la technique et le détail sont toujours subordonnés à une véritable métaphysique de la construction et de l'art.
La mise à jour de ces influences par Fritz Neumeyer, dans un texte érudit et dense, est complétée par la reproduction, dans une traduction extrêmement fidèle, de l'ensemble des textes rédigés par Mies entre 1922 et 1969. Ce recueil d'écrits, pour la plus grande part inédits en français, constitue un document indispensable pour comprendre l'œuvre de l'auteur du Pavillon de Barcelone et du Seagram Building.
L'édition française de cet ouvrage, qui est désormais un classique en langues allemande et anglaise, est préfacée par Jean-Louis Cohen, architecte et historien, auteur d'une récente monographie sur Mies van der Rohe. Il replace ce livre dans l'histoire des études consacrées à ce pionnier de l'architecture moderne, et en indique la portée.