Trigorine : Quelle heure est-il
? J'entends des pas dehors.
Vous entendez ce bruit ? Ce
n'est pas le vent... Ce sont des
pas...
Nina : Kostya, dis à Boris
Alekseïevitch Trigorine que je
lui casse la tête si jamais il
continue à remettre les
pendules en marche.
Treplev : Boris Alekseïevitch,
vous n'avez peut-être pas
entendu ce qui a été dit, mais
Nina vous fendra le crâne si
vous continuez à vous
intéresser à la notion de temps.
Trigorine : Vous n'avez rien
entendu ? Il me semble que
quelqu'un a frappé à la fenêtre.
Treplev : Non, je n'ai rien
entendu.
Trigorine : Ninotchka, rentrons
à Moscou... Rentrons chez
nous, Ninotchka. Cette maison
est malsaine. J'ai encore
entendu des coups de fusil
dehors.
Nina : Kostya, dis à Boris
Alekseïevitch Trigorine qu'il
n'a plus le droit de me parler et
de me toucher. Dis-lui que,
pour moi, il n'est qu'un cafard
qui s'est monstrueusement
dilaté et que j'écraserais avec
dégoût sous mon pied s'il
n'était pas aussi énorme.
Après avoir mis à nu La machine
Tchekhov dans une de ses
précédentes pièces, Matéi Visniec
convoque ici trois célèbres
personnages du même auteur dans le
tourbillon d'une nouvelle rencontre,
quinze ans après La mouette.
Il les plonge dans le tumulte de
l'Histoire, au cours d'une sorte de
huis clos en pleine Révolution
d'Octobre.
Ainsi, Nina, Treplev et Trigorine s'en
viennent à partager l'angoisse de
beaucoup d'écrivains devant le
terrible tremblement de terre humain
et social que cette révolution
engendra, et surtout la déception
devant la tournure monstrueuse de
cette utopie qui a laissé derrière elle
des millions de morts.