Nous subissons aujourd'hui une fracture grandissante,
encore peu visible mais très profonde : alors que l'époque
vénère la jeunesse et ses «valeurs», toute une frange de la
population pressent, sans oser le formuler, que les jeunes
souffrent de lacunes graves. Nous avons dilapidé l'héritage et
refusé de transmettre les oeuvres, les récits, les valeurs et les
codes qui faisaient la civilisation. Et nous avons inventé la
génération culturellement spontanée.
Beaucoup de parents et de professeurs constatent déjà
les dégâts sans oser en faire état. Mais l'école, dernier lieu
de transmission dans nos sociétés modernes, n'est que la
partie émergée de l'iceberg. C'est la France qui disparaît
dans les limbes : la langue, la logique, les références culturelles
sont atteintes, au nom d'une idéologie qui dépasse
largement le clivage gauche-droite et sa déclinaison en traditionalistes
et modernistes.
A l'heure qu'il est, les classes moyennes et les élites proclamées
sont touchées par cette déculturation. Cette fracture
fragilise d'abord le tissu économique : celui qui ne sait ni
qui il est ni d'où il vient ne va nulle part, et ne produit rien.
Dans une société qui cultive la haine du passé, qu'advient-il
de la «culture commune» ? Par idéologie, par indifférence
et par soumission au cours des choses, nous mettons l'avenir
en danger.