Oeuvres
Volume II
Le Journal de la liberté de la presse et Le Tribun du peuple
Tome 2
La supposée révolution thermidorienne a usé son charme, son prestige, comme on disait alors ; Babeuf a parcouru un long chemin intérieur. Il a vu à l'oeuvre les « libérateurs de la tyrannie » et il sait à présent qu'il n'avait pas compris ce qui se mettait en place : « Quand j'ai, un des premiers, tonné avec véhémence pour faire crouler l'échafaudage monstrueux du système de Robespierre, j'étois loin de prévoir que je concourois à fonder un édifice, qui, dans une construction toute opposée, ne seroit pas moins funeste au Peuple » (Le Tribun du Peuple, n° 28). Il va jusqu'à écrire, dans le n° 34 : « Osons dire que la révolution, malgré tous les obstacles, a avancé jusqu'au 9 Thermidor, et qu'elle a reculé depuis ». L'édifice est celui d'une usurpation de l'autorité constituante, et d'un déni, opposé par le « million doré », c'est-à-dire les accapareurs, ceux qu'on nomme alors capitalistes, ainsi que les négociants, des richesses qui sont à tous : « Le 9 Thermidor ne seroit point arrivé ; tous les crimes nationicides, commis à la suite de cette journée infâme, tous les maux qui en découlèrent, auroient été prévenus ; l'immoralité barbare et meurtrière eût été frappée dans tous ses germes ; toutes ces fortunes colossales, fruit d'un perpétuel brigandage, d'un impôt constamment levé sur tous les bras travaillans, auroient été démolies et renversées par une juste distribution sur le peuple entier » (n° 38).