Pain de Paris, pain de Gonesse
La boulangerie Foraine en pays de France sous l'ancien régime
Sait-on que le pain des campagnes fertiles au nord de l'Ile-de-France a nourri Paris durant des siècles ? Sous l'Ancien Régime, les boulangers des villages du pays de France venaient sur les marchés de la grande ville vendre le produit de leur travail.
Jean-Pierre Blazy examine ici, en historien, les relations entre le bourg de Gonesse - clé de voûte de l'équilibre de cette interdépendance - et les douze marchés répartis dans la capitale. La renommée du pain de Gonesse a été établie sur une longue durée, depuis les écrits de l'argonome Olivier de Serres au début du XVIIe siècle jusqu'aux chroniques de Louis Sébastien Mercier à la veille de la Révolution.
Cet aliment jouait un rôle crucial dans le ravitaillement des Parisiens et son acheminement constituait un enjeu stratégique. En suivant cette route du pain entre banlieue et Paris sur le temps long de la tourmente des guerres de Religion aux crises de la Fronde, l'ouvrage montre bien la préoccupation constante de l'autorité royale : garantir l'approvisionnement ou le bloquer. Comme le souligne Jean-Marc Moriceau, grand historien ruraliste, si c'est bien sous le règne du Roi-Soleil que la boulangerie de Gonesse a remporté ses plus beaux succès, comment expliquer son inexorable déclin au XVIIIe siècle ? Jean-Pierre Blazy répond à ces questions en prenant comme objet d'histoire ce système nourricier préindustriel. Une histoire de l'alimentation, certes mais qui intéresse aussi l'histoire sociale et économique, celle des croyances et des sensibilités, la géohistoire des paysages et des villes, l'évolution des techniques ou encore l'histoire politique. Avec la monographie de ce pain en partie oublié, l'auteur analyse les éléments d'un écosystème, documente l'usage des ressources agricoles et l'organisation de l'alimentation urbaine à différentes échelles.
L'auteur scrute les activités, les lieux et les parcours des boulangers de Gonesse grâce à l'exploration de sources inédites et à la description des relations sociales et des conditions qui ont permis à la profession de boulanger forain de former une véritable « classe moyenne » avant la lettre. L'historien reconstitue la toile de fond de la vie matérielle des Franciliens de l'Ancien Régime : leurs travaux, leurs trajets et leurs moeurs mais aussi la violence et la maladie qui les atteignent, sans oublier les représentations, notamment religieuses. La dimension anthropologique est donc l'un des apports décisifs de cette étude de cas, à l'échelle du « Grand Paris » d'avant la Révolution.