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On ne parle plus de provinces mais de régions. L'esprit de localité des notables est révolu. Le savon de Marseille a été racheté par une firme allemande, les faïences de Quimper ont été reprises par une société américaine et ce sont des Chinois qui financent le coton à broder DMC cher à nos grands-mères. Le couple Paris-province, expression de l'histoire sociale et politique de la France, a éclaté. Leur rivalité séculaire ne se manifeste plus guère que sur les stades, à l'occasion des matchs de football.
Si les grandes villes de province sont aujourd'hui des capitales régionales aux pouvoirs croissants, elles se sont longtemps mesurées avec Paris et ont dû s'incliner devant sa puissance financière. Les chemins de fer, symbole d'une centralisation qui remonte à la monarchie, ont renforcé cette " tyrannie " de Paris souvent dénoncée par l'élite provinciale. Et pourtant, contrairement à une idée reçue, la province n'a jamais été passive. C'est de province qu'est partie la Révolution, et depuis lors bien des provinciaux ont rappelé, sous une forme plus ou moins violente, que " Paris n'est pas la France ".
C'est l'histoire de cette relation passionnée que retrace ce livre. La capitale imaginait la province plus qu'elle ne la connaissait: c'est elle qui a inventé les " costumes régionaux " ou la " cuisine régionale " et donné de la province une image passéiste et attendrissante, ou arriérée et ridicule. Dans le même temps, la province refusait la condescendance du centre politique, s'insurgeant mais parfois aussi intériorisant son prétendu retard.
" Dans dix ans, le nom hideux de province aura disparu ", assurait André Malraux au début des années soixante. La modernisation a rapproché les deux pôles du pays, mais à l'heure de la mondialisation, c'est la France entière qui est souvent perçue _ à tort _ comme une province désuète.
Jocelyne George, historienne, est l'auteur d'une Histoire des maires, 1789-1939, Plon, 1989, et avec Jean-Yves Mollier de La plus longue des républiques, 1870-1940, Fayard, 1994.