Géographe d'envergure proprement planétaire, familier des phénomènes de glaciations et des immenses espaces sibériens, Pierre Kropotkine (1842-1921) mériterait d'être qualifié, souverainement, de « Prince de l'anarchie ». Prince, il l'est de fait, par son appartenance à l'aristocratie russe, et Anarchie, par sa décision, unique dans l'histoire, d'abandonner ses terres, son rang d'officier des Cosaques, et de s'engager comme militant à part entière de l'action et de la pensée anarchistes, dont il rédige des textes devenus des références incontestables. En 1883, Kropotkine est condamné en France à cinq ans de prison pour activisme politique. Durant sa captivité, son grand ami Élisée Reclus réunit ses éditoriaux parus dans le journal Le Révolté et les édite en 1885 sous le titre Paroles d'un révolté.
L'ouvrage réunit ici les chapitres II, III et IV, soient : La décomposition des États, La nécessité de la Révolution et La prochaine Révolution. Saisissants par leur actualité, les questions qui y sont soulevées rappellent étrangement les crises contemporaines, ainsi est pointé du doigt l'État emprunteur, mauvais gestionnaire, obèse ou encore inefficient : « Les sommes immenses et toujours croissantes que les États prélèvent sur les peuples ne leur suffisent jamais. L'État existe toujours aux dépens des générations futures ; il s'endette et partout il marche vers la ruine ».
Écrit il y a quelque cent quarante ans, ce brûlot à vocation révolutionnaire donne matière à réflexion sur la stabilité étonnante du Système dans ses pratiques !