Annexer à la pensée managériale et organisationnelle un auteur qui prit pour incipit d’une de ses premières œuvres « La bêtise n’est pas mon fort » peut apparaître comme une provocation. Et assurément en est-ce une. Valéry n’a jamais véritablement parlé de gestion ou des organisations.
Pourtant, il a été durant des années le secrétaire particulier d’André Lebey, administrateur de l’agence Havas : à ce titre, il a été un observateur bien placé de la vie des affaires et il en reste quelque trace dans ses œuvres. Il estimait par ailleurs qu’une œuvre appartient au moins autant, sinon plus, à celui qui la lit qu’à celui qui l’a écrite. Après tout, il autorisait ainsi une certaine liberté de lecture de ce qu’il avait produit, même si elle pouvait le surprendre.
L’essentiel n’est pourtant pas là. Pour Valéry, la pensée est action, plus exactement transformation. En ce sens – et cette thèse formera, dans son caractère un peu extrême, le corps de ce texte – toute pensée est pour lui managériale. C’est la raison pour laquelle ses analyses font écho aux préoccupations des gestionnaires. D’ailleurs, l’étude de la manière dont la pensée fonctionne constitue pour lui une « poétique », non pas en référence au poème mais au poein, au verbe grec renvoyant au faire, à la réalisation concrète. Penser est pour Valéry se situer au cœur du concret, et le faire n’est que la réalisation d’une pensée, féconde ou banale. On peut trouver bien des échos entre ce qu’il dit et le pragmatisme.
Dans un premier temps, nous verrons donc comment s’articulent pensée ou savoir et action, comment cette intrication, plus même qu’une simple articulation, se joue autour des automatismes et routines, la manière dont l’innovation peut apparaître, notamment à partir d’un travail sur les manières de voir. Par la suite, on reprendra ce que Valéry dit de la direction des affaires, de la formation aux affaires.