Penser dansla mêlée
La période de 1907 à 1910 est apparemment confuse. Le gouvernement Clemenceau ne réalise guère ses promesses de réforme, qu'elles soient sociales ou démocratiques. Les tensions sont exacerbées par la répression des grèves et des manifestations. Période de mêlée, de lutte sociale intense, qui force Jaurès à mieux définir la méthode du socialisme et la place de l'action ouvrière.
Le contexte politique, dominé par les divisions et la dilution autant du parti radical que du camp modéré, ne favorise aucune clarification. La représentation proportionnelle aux élections serait-elle une solution ? Bien qu'unis depuis 1905, les socialistes peinent à trouver le ton juste. Faut-il se défier davantage de l'opportunisme des indépendants, comme Aristide Briand ou René Viviani, désormais ministres ? Ou des débordements du syndicalisme révolutionnaire prôné par la majorité de la CGT, susceptibles de conduire à la violence et à l'isolement ? Comment faire avancer de grandes réformes sociales, comme l'institution d'un système de retraites ouvrières et paysannes ?
Cette période de mêlée force Jaurès à penser en même temps qu'il avance. C'est l'époque de son fameux discours au congrès de Toulouse en 1908, où il expose « l'évolution révolutionnaire » dont se revendiqueront bien de ses héritiers au XXe siècle et après. C'est l'époque de ses grandes joutes contre Clemenceau et Briand, occasions de clarifier les principes républicains sur lesquels il édifie son socialisme. Le regard toujours porté sur l'Internationale, autant que sur son Midi occitan, Jaurès cherche tout autant à armer le mouvement ouvrier dans sa lutte contre le danger de guerre qu'à penser la diplomatie et l'armée d'une république vraiment démocratique.