«Ce qui m'inquiétait davantage, c'était qu'on allait pouvoir
entreprendre d'énormes creusements de terrains,
ce qui risquait d'endommager notre planète. Mais
lorsque je songeais à la manière remarquable dont la
Terre avait su protéger jusqu'ici ses deux pôles, je me
disais : "Va, elle saura bien s'y prendre pour empêcher
la vermine de surface de devenir pour elle un danger."
Cependant, il ne fut brusquement plus aussi évident
que l'on pût facilement juguler le désordre grave rendu
possible par l'avènement du perpé. Il n'était que trop
clair que le militarisme serait des premiers à faire marcher
ses canons au perpé. En fin de compte, les roues
seraient façonnées de telle sorte que les guerres seraient
désormais menées toutes seules, sans matériel humain.
Celui-là, de désordre grave, on pouvait certes l'envisager
avec le sourire. Mais que n'allait-on pouvoir renverser,
avec ces machines perpétuelles ! Bon sang ! Cela me
laissa quand même un peu rêveur... Et, me disais-je,
ne va-t-on pour cette raison vouloir en conclure sommairement
avec l'inventeur ? Supporter le courroux des
patries ne sera pas une mince affaire. Il vaudrait mieux
me retirer à temps, et finir mes jours incognito.»
Paul Scheerbart, 1910.