Créé entre 1982 et 1989 sous l'atroce dictature militaire argentine, Perramus est un acte de résistance en soi.
Considérée comme l'un des chefs-d'oeuvre de la bande dessinée mondiale, jamais rééditée en France depuis trente ans, l'oeuvre d'Alberto Breccia et de Juan Sasturain n'a pas pris une ride. Au contraire, les quatre récits réunis pour la première fois en ce seul volume lui confèrent une seconde jeunesse.
Un homme, accablé par la peur et le poids intolérable de sa lâcheté, demande l'oubli. Quand il se réveille dans un lit inconnu aux côtés d'une femme qui a dévoré son passé comme la femelle avale le placenta de sa portée, il est un autre, ou plutôt il n'est personne. Il a oublié son histoire, il ne sait plus son nom, il ignore aussi pourquoi on l'entraîne dans une tâche effroyable et paradoxale : effacer le souvenir et les traces de la mort de ceux qu'il a abandonnés.
Désormais, il s'appelle « Perramus » d'après l'étiquette de son imperméable. Au cours de ses voyages sombrement absurdes, dans une Amérique latine fantasmée, il fait équipe avec le bourru Canelones, un aviateur étranger surnommé l'Ennemi, et leur mentor, Jorge Luis Borges, ici réinventé, enfin devenu Prix Nobel de littérature.
Cette drôle d'équipe est amenée à rencontrer des personnages insolites : réalisateur de bandes-annonces pour des films qui n'existeront jamais, artistes de cirque guérilleros, dictateur ayant bâti une vaste fortune sur un empire d'excréments... mais aussi des personnages réels comme Fidel Castro, Frank Sinatra, Carlos Gardel ou Gabriel García Márquez, eux aussi devenus fictifs.
La principale raison qui m'a poussé à commencer Perramus a été le besoin de témoigner de tout ce qui s'était passé en Argentine à l'époque de la dictature militaire. C'était mon devoir de le faire.
Le dessin c'était, et c'est encore, ma seule arme. Avec cette arme, je proteste.
Perramus fut un cri de contestation, un cri de révolte.
Alberto Breccia