« Au nombre des délicieuses joyeusetés de la vie de garçon, tout homme compte l’indépendance de son lever. Les fantaisies du réveil compensent les tristesses du coucher. Un garçon se tourne et se retourne dans son lit ; il peut bâiller à faire croire qu’il se commet des meurtres, crier à faire croire qu’il se commet des joies excessives. Il peut manquer à ses serments de la veille, laisser brûler son feu allumé dans sa cheminée et sa bougie dans les bobèches, enfin, se rendormir malgré des travaux pressés. Il peut maudire ses bottes prêtes qui lui tendent leurs bouches noires et qui hérissent leurs oreilles, ne pas voir les crochets d’acier qui brillent éclairés par un rayon de soleil filtré à travers les rideaux, se refuser aux réquisitions sonores de la pendule obstinée, s’enfoncer dans sa ruelle en se disant : – Hier, oui, hier c’était bien pressé, mais aujourd’hui, ce ne l’est plus. HIER est un fou, AUJOURD’HUI est le sage ; il existe entre eux deux la nuit qui porte conseil, la nuit qui éclaire... Je devrais y aller, je devrais faire, j’ai promis... Je suis un lâche... mais comment résister aux ouates de mon lit ? J’ai les pieds mous, je dois être malade, je suis trop heureux... Je veux revoir les horizons impossibles de mon rêve, et mes femmes sans talons, et ces figures ailées et ces natures complaisantes. Enfin, j’ai trouvé le grain de sel à mettre sur la queue de cet oiseau qui s’envolait toujours. Cette coquette a les pieds pris dans la glu, je la tiens... »