L'imagination de nos aïeux a produit une multitude de métaphores et de "façons de
dire" nées de l'observation de la nature, à la fois pleines de fantaisie et de bon sens, mais
pour la plupart tombées dans l'oubli.
La langue d'aujourd'hui regorge encore d'expressions figurées empruntées au monde
des légumes. C'est que le potager inspire toujours le français du XXIe s. : d'avoir la patate
à être dans les choux, en passant par faire le poireau et courir sur le haricot, les légumes
sont employés à toutes les sauces... Souvent même très "épicées" : tremper son poireau
ou dégorger son panais (pour les messieurs), avoir le haricot à la portière ou encore
mouiller sa laitue (pour les dames), tournures érotico-argotiques dont l'étonnante
inventivité prête à sourire.
«On ne connaît pas complètement une chose tant qu'on n'en sait pas l'histoire».
Ceci est spécialement vrai en matière de langage, où un détour par le passé s'avère
indispensable à une approche sérieuse de la phraséologie contemporaine.
Cet ouvrage s'efforcera de retracer, pour chaque expression, l'évolution de son sens,
mais aussi de sa forme. Bien souvent, des changements surviennent au cours de la vie
d'une locution, car le français, comme toute langue vivante, ne cesse d'évoluer, se
modelant et de se remodelant perpétuellement. Avec le temps, certains éléments d'une
expression peuvent se modifier, s'obscurcir, comme pour dissimuler leur valeur initiale.
Personne ne soupçonne plus aujourd'hui l'origine obscène de s'occuper de ses oignons,
alors que la forme primitive de cette expression était sans équivoque.
Ce livre s'attachera aussi à dater avec précision chaque locution, à en éclaircir l'origine
et en souligner la cohérence avec des emplois plus anciens.
Comme le dit Gaston Gross dans sa préface, «Au fil de l'étude, on voit apparaître, comme
dans un bain révélateur, le rôle des légumes comme une source de l'imagination créatrice
de la langue dans une nation intéressée comme la nôtre par l'art de la table et celui des
jardins. Certains légumes sont valorisés (oseille, oignon, chou, poireau), d'autres non
(artichaut, citrouille, courge, navet) et cela grâce aux propriétés qui leur sont communément
attribuées : leur forme qui explique les métaphores sexuelles (asperge, poireau),
leur couleur, leur consistance, les vertus cachées qu'on leur reconnaît.
Cet ouvrage est à la fois une recherche savante dans le domaine du figement lexical,
bien documentée, écrite avec clarté, et en même temps un livre qui intéressera le grand
public. Au moment où la linguistique a perdu son rayonnement de naguère, des études
de ce type peuvent contribuer à faire apprécier son utilité».