«Figaro a tué la noblesse» ; «Le Mariage de
Figaro, c'est déjà la révolution en action» :
Danton en 1789, Napoléon dans le Mémorial de
Sainte-Hélène accordent au chef-d'oeuvre de
Beaumarchais, créé en 1784, un rôle majeur
dans la chute de l'Ancien Régime. Efficacité
ravageuse de formules dont certaines ont
traversé deux siècles - «Sans la liberté de
blâmer, il n'est point d'éloge flatteur» -, charge
virulente contre l'abus aristocratique
et le privilège actualisé ici dans un «droit
du seigneur» formellement aboli, mais rétabli
par l'argent, dénonciation de l'oppression
masculine et d'une Justice inique : on comprend
que Louis XVI ait voulu museler un trublion, par
ailleurs agent des hautes et basses oeuvres
de la monarchie... Mais la portée politique
de la pièce ne fait pas oublier la gaieté d'une
Folle Journée qui assaisonne de farce l'esprit
le plus raffiné, la nouveauté d'une dramaturgie
qu'on a pu juger pré-brechtienne, l'originalité
d'une écriture alternant la «joute» rapide et la
parade verbale. Ainsi que la profusion maîtrisée
d'une intrigue qui explore toutes les formes de
l'éros - coupable, rêvé, prescrit, impossible -
et met aux prises des personnages qui souvent se
transforment au cours de l'action. Tant il est vrai
que, pour Beaumarchais comme pour son siècle,
le devenir est désormais l'apanage du vivant.