Pierre Guérin
De tous les peintres qui dominent la scène française au début du XIXe siècle, Pierre Guérin est le plus méconnu. L'évolution de la peinture d'histoire du Directoire à la monarchie de Juillet ne peut pourtant se comprendre sans cet artiste capital, passeur entre la modernité de David, qu'il a transformée en l'assimilant, et celle des peintres romantiques qu'il a formés. Guérin doit au Retour de Marcus Sextus, mémorial des peines endurées par la famille France au cours de la Révolution, des débuts mythiques au Salon de 1799, et l'extraordinaire succès de Phèdre et Hippolyte en 1802 lui assure un statut équivalent à celui de Chateaubriand dans la sphère publique. Ses oeuvres d'inspiration littéraire produites au cours de l'Empire et de la Restauration ont marqué la mémoire collective et occupent, de longue date, les cimaises du musée du Louvre (Aurore et Céphale, Didon et Énée, Clytemnestre...). À la peinture des idées de David, Guérin oppose une peinture des sentiments qui, au travers de l'histoire classique, interroge la condition tragique de l'homme et trouve, de fait, un écho dans la sensibilité exacerbée de l'ère postrévolutionnaire. Membre de l'Académie des beaux-arts, promoteur d'un beau idéal prenant sa source dans l'Antiquité, tout en favorisant par son action pédagogique l'essor de la peinture romantique, il incarne tous les paradoxes de cette époque en rupture.