Le Ménon porte sur la vertu et sur la réminiscence, cette théorie
selon laquelle l'âme, lorsqu'elle pense, ne fait en réalité
que se ressouvenir de la réalité dont elle a contemplé la vérité
avant de s'incarner. Quel rapport entre ces deux sujets ? Dans
une Athènes où, de l'aveu de Socrate, s'est produit un «dessèchement»
du savoir, la justification des conduites s'avère
fragile, chacun appelant vertu ce que la tradition ou l'habitude
lui a transmis, ou ce que les courants de pensée dominants lui
enseignent. Dans les deux cas, on croit savoir ce qu'est la vertu,
mais on n'en a qu'une opinion. Contre le scepticisme ordinaire
qui met en doute la possibilité d'une connaissance vraie, et
contre l'abandon des valeurs au relativisme qui peut en résulter,
Socrate propose alors l'hypothèse que la vertu peut faire l'objet
d'une définition et d'une connaissance vraies, dont la possibilité
est garantie par la théorie de la réminiscence.
Bien que Socrate donne la preuve de la vérité et de l'efficacité
de cette théorie, le Ménon reste toutefois un dialogue de
sourds : une fois de plus, Socrate et, avec lui, la philosophie ne
parviennent pas à se faire entendre dans la cité, alors qu'ils lui
sont indispensables.