Mon ambition est de penser la démocratie en reprenant le fil de son histoire. Mais il est tout de suite nécessaire de préciser qu'il ne s'agit pas seulement de dire que la démocratie a une histoire. Il faut considérer plus radicalement que la démocratie est une histoire. L'objet de l'histoire conceptuelle du politique est ainsi de suivre le fil des expériences et des tâtonnements, des conflits et des controverses, à travers lesquels la cité a cherché à prendre forme légitime. En retraçant la généalogie longue des questions politiques contemporaines, il s'agit de reconstruire la façon dont des individus et des groupes ont élaboré leur intelligence des situations, de repérer les récusations et les attractions à partir desquelles ils ont formulé leurs objectifs, de retracer la manière dont leur vision du monde a borné et organisé le champ de leurs actions. C'est pour cela une histoire qui a pour fonction de restituer des problèmes plus que de décrire des modèles.
L'histoire ainsi conçue est le laboratoire en activité de notre présent, et non pas seulement l'éclairage de son arrière-fond. L'attention aux problèmes contemporains les plus brûlants et les plus pressants ne peut se dissocier pour cette raison d'une méticuleuse reconstruction de leur genèse.