Espérer, c'est s'avancer vers une réalité encore invisible,
une réalité qui jamais ne s'ajuste aux représentations qu'on
s'en donne. Est-ce là une passion condamnable, comme
l'estiment certains philosophes, soucieux de faire prévaloir
une compréhension raisonnée de ce qui est sur les aléas de
l'imagination ? Ou bien peut-on penser qu'il existe un lien
profond et énigmatique entre le soi humain et l'espoir ?
Comment comprendre en effet que, même dans des situations
terribles, l'espoir déserte rarement tout à fait le coeur
humain ? Pourquoi cette insistance de l'espoir à surprendre
jusqu'aux partisans d'une lucidité qui le récuse ?
Qu'il soit fondé sur le rêve ou sur l'action qui ouvrent des
possibilités là où la nécessité semble devoir faire loi, que la
raison lui donne un sens, ou encore qu'il dépende, comme
dans la Bible, d'une promesse qui oriente l'histoire, l'espoir
est toujours à l'épreuve dans nos vies privées et collectives.
Espérer suppose en effet un combat spirituel contre la tentation
du désespoir face au tragique et l'exercice d'une grande
et quotidienne patience pour «réparer» les souffrances du
monde, comme l'enseigne la mystique juive. Mais espérer
l'inespéré ne se mesure pas à nos seuls efforts, c'est aussi,
ultimement, garder confiance en la Promesse : de la chute
ultime nous serons relevés.