Ce livre tente de s’interroger sur ce que signifie la lecture de Kafka aujourd’hui, en prenant notamment pour point de départ cette espèce de laboratoire de l’œuvre que constitue le Journal. De cette œuvre on peut dire qu’elle est avant tout une écriture fragmentaire, une pratique qui déplace constamment les frontières du romanesque et de l’« autobiographie ». C’est pourquoi il est apparu nécessaire, dans cette perspective, de reprendre la question du nom propre (sa position entre plusieurs langues, son caractère emblématique, sa dynamique). Car c’est, sans doute, pour Franz Kafka, une des voies d’accès essentielle à l’écriture, une des manières de prendre en compte le poids de la langue allemande. Comment un corps se découvre-t-il délimité et circonscrit dans et par l’ordre humain, c’est-à-dire dans et par les contraintes d’une langue reçue, héritée ? Kafka, dans les histoires qu’il construit, est un écrivain qui cherche sans cesse à énoncer ce qui l’incite et le pousse à écrire. Il ouvre, de cette façon, à nouveau, pour notre siècle, la question même de la littérature, dans son aspect le plus élémentaire, c’est-à-dire le travail d’un sujet incapable d’habiter entièrement la langue dans laquelle il est contraint d’écrire. D’où l’importance qui est accordée, dans ce livre, au petit texte de F. Kafka intitulé Discours sur ta langue yiddish.