Par fragments, le narrateur – je – laisse émerger de sa mémoire un passé infiltré de rêve, de légende et de nostalgie, où il, son ami d’enfance, et lui-même subissent la fascination d’elle dans ce que l’on devine être un camp de réfugiés palestiniens non loin du Jourdain. Je est surnommé le Chrétien, parce que sa mère, fidèle de cette religion, a offert une croix à son mari musulman, qui la porte depuis toujours. Il, quant à lui, est dit l’Irakien, son oncle s’étant forgé une légende sur le fait – sujet à caution – d’avoir servi de guide à une unité d’artillerie irakienne lors de la guerre de 1948 et d’avoir recueilli les larmes de ses officiers après la défaite. Elle, c’est la jeune épouse du vieux hadji, homme d’une grande bonté, qui l’a recueillie en même temps que sa mère après l’assassinat de son père par des terroristes de la Haganah. Un roman de haute poésie, nimbé d’une sensualité diffuse, où les fantômes des morts et de la terre natale qu’il a fallu fuir enveloppent des vivants guère moins fantomatiques – le barbier, le loueur de bicyclettes et ses aides, la fille du cocher…
Ghassan Zaqtan est né en 1954 à Beit Jala, dans la banlieue de Bethléem, où ses parents s’étaient réfugiés pendant la Nakba. La famille subit un nouvel exode en 1961 parce que les religieux rétrogrades s’opposent à la volonté du père, poète et directeur d’école, de donner une éducation aux filles. Elle s’installe au camp de Karameh, en Jordanie. En 1968, l’armée israélienne attaque et rase le camp. S’ensuivra un exil d’un quart de siècle, en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Tunisie, avant l’installation à Ramallah en 1994 lors de l’instauration de l’Autorité palestinienne. Son œuvre poétique, forte d’une dizaine de recueils, traduite dans plusieurs langues, a obtenu le prix international Griffin et le prix Mahmoud Darwich. Il est également l’auteur de trois romans et d’une pièce de théâtre. Il est encore journaliste, éditeur et traducteur.