En 1929, Marguerite Yourcenar consacre son premier ouvrage
Alexis, ou le traité du vain combat, à la longue lettre d'un homme
à sa femme qu'il quitte pour assumer son homosexualité, sans jamais
pour autant nommer ainsi son penchant naturel. Dans sa préface
à la réédition de cette première oeuvre, l'auteur déclarait : «J'ai parfois
songé à composer une réponse de Monique, qui sans contredire
en rien la confidence d'Alexis, éclairerait sur certains points cette
aventure, et nous donnerait de la jeune femme une image moins
idéalisée, mais plus complète. J'y ai pour le moment renoncé.
Rien n'est plus secret qu'une existence féminine.»
Jean-Pierre Lebrun relève ici le défi. En adoptant le style spécifique
utilisé par l'auteur d'Alexis, il imagine ce qu'aurait pu être la réponse
de l'épouse. Monique y reconnaît à quel point dès les premiers
moments de la rencontre, elle avait perçu sans rien vouloir en savoir
ce qui allait mener à l'échec de leur relation.
Par ce détour littéraire, Jean-Pierre Lebrun illustre ce qu'aujourd'hui
il appelle «l'absence à soi-même», emblématique des conséquences
de l'évolution sociale sur notre subjectivité et poursuit ainsi
son parcours intellectuel au croisement du social, de l'écriture,
de la médecine et de la clinique psychanalytique.