«La présente étude va des origines du nouveau pouvoir spirituel, vers
le milieu du XVIIIe siècle, jusqu'au moment où se produisent ses premiers
heurts graves avec la société qu'il a contribué à créer, c'est-à-dire en 1830
et dans les années qui suivent immédiatement. Cette période forme un
tout qu'on peut considérer en lui-même, non pas comme un ensemble
clos, mais comme la vaste préface, ou le premier grand acte, d'une histoire
plus longue, et qui se poursuit de nos jours. L'avènement de la foi
philosophique au siècle des Lumières, puis les créations littéraires de la
contre-révolution, enfin l'explosion du romantisme sont, dans l'ordre intellectuel,
les trois grands faits successifs de cette époque. On verra que j'ai
essayé de décrire ces faits à la fois à travers les grandes oeuvres, et dans
leur écho ou leur source au sein des mouvements de l'opinion. Surtout,
en les développant en eux-mêmes et dans leur nature manifeste, je me
suis attaché à ce qui, dans cette incessante création de valeurs nouvelles,
visait à investir la littérature d'une fonction sociale éminente. Cette
inspiration, dans la littérature d'alors, accompagne et influence toutes
les autres : la mission de l'écrivain, loin d'être un thème adventice, une
fantaisie rhétorique à écarter pour saisir l'essentiel, est l'idée vive selon
laquelle les autres s'ordonnent.»