Saint Jérôme souffre parfois du voisinage trop éclatant de son illustre contemporain Augustin. Qu’il s’essaie dans le genre historique avec la Chronique et aussitôt s’élève le choeur des voix qui lui préfèrent l’ampleur et la portée théologique de la Cité de Dieu ! Mais une telle comparaison, qui ne tient compte ni des enjeux ni du contexte spécifiques de chaque œuvre, est forcément réductrice et conduit inévitablement à des classements arbitraires et spécieux. L’œuvre historique d’Augustin, composée après 410, aurait été différente si Jérôme ne s’était pas mis en tête, vers 380, de faire connaître au monde latin l’historiographie chrétienne grecque et de traduire la Chronique d’Eusèbe de Césarée. Sa contribution ne se limite d’ailleurs pas à une simple traduction puisqu’il a lui-même composé, pour les années 326-378, un prolongement à cette chronique. C’est cette continuation que le lecteur trouvera ici. Les figures de l’empereur Constantin et de ses fils y côtoient celles, toutes nimbées de sainteté, de moines et d’évêques dont l’idéal ascétique et la doctrine ne sont pas toujours du goût du pouvoir temporel ; on y assiste aux derniers soubresauts de la réaction païenne avec le passage fugitif de Julien, le fameux « apostat », aux commandes de l’Empire ; on y voit les barbares d’Occident et d’Orient tenir tête à la puissance romaine tandis que l’Église, en proie aux âpres disputes des partisans et adversaires d’Arius, connaît une grave crise d’adolescence. Et sur tout cela s’abat parfois avec fracas une averse de grêle meurtrière ou le malheur d’un tremblement de terre dévastateur. Dans le style concis caractéristique des chroniques, Jérôme nous fournit ici un abrégé de l’histoire de son temps dans lequel l’historien d’aujourd’hui pourra glaner des informations précieuses pour la compréhension et la connaissance du IVe siècle.