Sarinagara signifie cependant. Ce mot est le dernier d'un des
plus célèbres poèmes de la littérature japonaise. Lorsqu'il
l'écrit, Kobayashi Issa vient de perdre son unique enfant : oui,
tout est néant, dit-il. Mais, mystérieusement, Issa ajoute à son
poème ce dernier mot dont il laisse la signification suspendue
dans le vide.
Cette énigme est l'objet du roman, convergence de trois
histoires : celles de Kobayashi Issa, le dernier des grands maîtres
dans l'art du haïku, de Natsume Sôseki, l'inventeur du roman
japonais moderne, et de Yamahata Yosuke, qui fut le premier à
photographier les victimes et les ruines de Nagasaki. Ces trois
vies rêvées forment la matière du roman qui interroge à son
tour la manière dont un individu peut parfois espérer survivre
à l'épreuve de la vérité la plus déchirante.
Entraînant avec lui le lecteur de Paris à Kyôto puis de Tôkyô
à Kôbe, lui faisant traverser le temps de l'existence et celui
de l'Histoire, Philippe Forest reconduit le rêveur vers le lieu,
singulièrement situé de l'autre côté de la terre, où se tient son
souvenir le plus ancien : là où l'oubli abrite étrangement en lui
la mémoire vivante du désir.