Sécularisation et laïcité
La sécularisation désigne le processus qui a réduit la place de la religion dans la définition des normes du savoir, des moeurs et dans l'espace public en général. Concernant l'Occident, les sources ou les conditions lointaines de ce processus ont été parfois cherchées très en amont de l'histoire moderne, dans certaines caractéristiques des religions mêmes qui ont dominé cette civilisation : dans le tour anti-magique des prophéties du judaïsme ancien, favorisant un « désenchantement du monde » radicalisé par le protestantisme puritain (Max Weber), dans la distinction du règne de Dieu et du règne de César, des deux « sphères » ou des deux Cités, préalable à une autonomisation des deux domaines. Ce processus d'autonomisation a revêtu des formes historiquement diverses selon les pays, pour aboutir, dans les Temps modernes, à des régimes juridico-politiques distincts : tolérance, religion civile, sécularisation reconnaissant un rôle public aux religions, voire une Église d'État, laïcité stricte enfin.
Les perspectives de longue durée doivent-elles faire conclure que la sécularisation, et la laïcité même, seraient, paradoxalement, liées aux religions dont elles ont représenté le cantonnement ? Ne néglige-t-on pas alors le souci d'une refondation rationnelle de la sphère publique sur des principes garantissant l'égale liberté des consciences ? Entre la reconstruction de ces principes et la prise en compte des complications issues d'une histoire qui est aussi une histoire de dominations, on tente ici à la fois de resituer la laïcité dans la sécularisation, de saisir sa spécificité philosophique et de comprendre certaines tensions qui s'exercent aujourd'hui sur elle.