« Seul comme on ne peut pas le dire »
Une lecture de la nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès
La Nuit juste avant les forêts (1977), que Bernard-Marie Koltès considérait comme son texte augural, est l'histoire d'une nuit racontée, et les histoires racontées pendant cette nuit. Histoires multiples, interrompues, reprises : elles s'engagent dans toutes les directions ; toutes sont le fruit d'un arrachement, le produit d'un désir de partage. Mais, au coeur de cette volonté de transmission, une dialectique de souffrance met en danger le récit ; un combat tout autant solitaire que partagé dans l'écoute : la lutte qui lie la nécessité de raconter et d'écouter, à leur impossibilité. C'est entendre de l'intérieur celui qui se penche, nous attrape le poignet à l'angle d'une rue et dans la nuit ouverte en deux, secrètement, force la langue à parler enfin, dévoiler ce qui restait irrévélé dans le silence.