Relativement au problème de la liberté, on peut considérer que les philosophies se classent schématiquement dans deux camps : les unes postulent la liberté humaine comme un principe absolu sans lequel le sens de l'existence ne se laisse pas penser ; les autres postulent que l'être humain vit dans une servitude dont il doit se libérer. Manifestement, Simone Weil fait partie des philosophes qui s'attachent à décrire un chemin possible vers la libération. En ce sens, elle rejoint les sotériologies de l'Inde ancienne, où l'ascète décrit le chemin qui conduit les humains à la délivrance. Mais de quoi s'agit-il de se libérer ? Notre essai aborde quatre domaines, où l'épreuve de la servitude conduit la philosophe à rechercher les conditions d'une délivrance possible. La réalité sociale dessine le premier. C'est l'empire de la force, où l'individu se sent confronté à l'oppression que le système social exerce sur son corps comme sur sa pensée. Il doit, pour y répondre, se soustraire à toute tentation de puissance, avant d'éprouver le pouvoir de la pensée, quand elle est délivrée des mirages de la force. Dans le second, l'individu découvre que le discours politique peut l'opprimer chaque fois qu'il invente des idoles pour mieux impressionner son imagination. Il doit alors, s'il veut échapper à leur emprise, apprendre à déjouer les pièges de l'idéologie et s'orienter vers un usage mystique de la langue. Le troisième correspond au monde du travail salarié, où le travailleur se bat, face à l'avilissement qui le menace sans cesse, pour conserver sa dignité humaine et le droit de penser à sa mesure. Ces trois servitudes, sociale, idéologique et économique, ne doivent pas faire oublier que la condition humaine peut s'éprouver aussi comme un asservissement. Voilà pourquoi il importe à SW de se libérer de tous les facteurs humains qui représentent, à ses yeux, autant d'obstacles sur le chemin de l'individu en quête de délivrance.