On assiste depuis les années 1990 à l'expansion inédite, dans toutes les sphères d'activité étrangères au champ artistique (du marketing à la vie sociale promue par les réseaux en ligne), d'usages stratégiques du récit désormais regroupés sous le terme de « storytelling », ou « communication narrative ». Ce phénomène nouveau rend plus sensible la dimension « contre-narrative » - de résistance aux récits dominants dans le discours social - caractéristique de certaines pratiques littéraires qui se donnent pour tâche de remettre en cause les « identités » prescrites par les instances du pouvoir.
Les études littéraires féministes d'une part, les études sur les littératures postcoloniales d'autre part, ont de longue date mis en évidence cette visée « contre-narrative » inhérente à certaines entreprises littéraires engagées dans la remise en cause des assignations genrées et des assignations identitaires en contexte (dé)colonial. Cet ouvrage se propose d'interroger à nouveaux frais ce potentiel de résistance, dans le contexte nouveau d'un storytelling néolibéral devenu hégémonique, en mettant en évidence la façon dont certaines oeuvres de fiction littéraire pensent l'intrication des différents facteurs de domination susceptibles de peser sur les destinées individuelles.