Les deux études qui composent ce volume, parues en 1952 et 1954, jettent les premières bases de la « linguistique intégrale » qu'Eugenio Coseriu élaborera jusqu'à la fin de sa vie. Comme son nom l'indique, cette linguistique intégrale veut englober « toute la réalité du langage ». Il convient pour cela de rétablir l'unité de l'objet langage au sein de la discipline qui l'étudie, en veillant à ne pas prendre les abstractions nécessaires au travail scientifique pour cette réalité elle-même.
Dans Système, norme et parole, Eugenio Coseriu s'attache à montrer que la dichotomie établie par F. de Saussure entre langue et parole a facilité l'escamotage de pans entiers du langage, qui ont ressurgi ailleurs comme autant de sous-disciplines (stylistique, pragmatique, etc.). Il en propose un nouveau découpage qui, à la fois, lui rend son unité et sa continuité dans le temps et crée les conditions d'une linguistique diachronique.
Dans Forme et substance dans les sons du langage, l'auteur porte la question de l'étude précédente sur « le plan de l'expression » (Hjelm- slev) et entreprend de montrer que la phonétique et la phonologie -, avatars de la distinction saussurienne entre signifiant (« plan des sons ») et signifié (« plan des idées ») -, ne peuvent pas être dissociées dans la mesure où la phonologie prend nécessairement appui sur la phonétique. Coseriu propose de réintégrer la phonétique, considérée jusque-là comme une science naturelle, dans le champ de la linguistique, ce qui se justifie par le « double aspect du langage, qui est en même temps nature et intériorité de la conscience » (p. 159).
Les deux études comparent et discutent les apports théoriques de nombreux linguistes contemporains. La réflexion philosophique opérée au fil de l'exposé dégage des principes généraux applicables plus largement aux sciences humaines et culturelles.