
Utilisateur ou non d'Internet, chaque citoyen est
aujourd'hui repérable par les données qu'il laisse, ou que
d'autres laissent sur lui, à travers quantité de dispositifs : cartes
à puce, courriels, moteurs de recherche, téléphonie, etc. Ces
traces emmagasinées par les réseaux constituent un objet
scientifique en même temps qu'un enjeu stratégique pour les
États comme pour les entreprises.
Les sciences de la communication étudient l'usager à
travers ses pratiques, ses représentations et ses statistiques
d'audience. Il faut désormais s'intéresser aussi à son «ombre
numérique». L'individu - assimilé à des profils qu'il définit ou
qu'on élabore à son insu - voit son identité et sa sociabilité
transformées dans le sens d'une indexation généralisée.
Brouillant les frontières entre espaces public et privé, le
traçage n'est pas pour autant un dysfonctionnement des
réseaux, mais une condition de leur efficacité. Sans cette mobilisation
des traces, l'information ne pourrait être ni personnalisée
ni interconnectée.
Renforcées par la pression sécuritaire, les tentations de
contrôle sont maintenant décuplées (fichiers de police, surveillance
au travail, dans la rue, à l'école). Alors que l'opinion
publique et les gouvernements commencent à prendre
conscience du problème, il faut chercher des modèles alternatifs
au libre-échange des données personnelles, pour mettre en
place un habeas corpus numérique et normaliser la protection
de l'individu.
Afin d'éclairer les ambiguïtés de la situation présente, ce
numéro d'Hermès fait appel à des spécialistes des médias et
des nouvelles technologies, à des sociologues, des juristes, des
économistes, des représentants de la CNIL, et à des professionnels
de l'information. La confrontation de ces divers
domaines de compétence donne au lecteur des clés pour saisir,
sans les simplifier, les enjeux de l'intelligence numérique.
Michel Arnaud et Louise Merzeau
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