On sait assez aujourd'hui que la jeune histoire des mentalités, que l'étude socio-historique et critique des religions et des pratiques religieuses se doit de recourir de plus en plus à des matériaux que l'on pouvait juger, il y a peu encore, stériles et ennuyeux, voire singuliers et surprenants. Dans le cas précis du Mexique où les phénomènes d'acculturation revêtent une importance extrême, l'inventaire et l'analyse des éléments de civilisation imposés et adaptés par les Espagnols dans le premier siècle de leur présence comporte un intérêt exceptionnel. Surtout quand il s'agit des éléments de culture apportés par ceux des Espagnols qui avaient à leur charge la transformation des croyances amérindiennes, c'est- à-dire les religieux évangélisateurs qui tentèrent au xvie siècle d'édifier une nouvelle chrétienté en Amérique et de remplacer le système cosmologique cohérent et bien structuré des Mexicains pré- hispaniques par un édifice chrétien calqué sur celui de l'Espagne. L'étude en profondeur des composantes de l'évangélisation, des outils qu'elle a requis et des expériences qu'elle a réalisées, pourrait alors se faire maintenant, après tant de belles études qui ont reconnu les trajectoires de la fondation de l'Eglise, par les textes que cette évangélisation a suscités et, donc, procéder méticuleusement texte à texte en fouillant les entrailles secrètes de ceux-ci. Nous pensons, bien sûr, et dans un premier temps, à toute la littérature en apparence anachronique et fastidieuse que sont les traités doctrinaux, les catéchismes, les manuels et autres ouvrages pieux rédigés dans les langues amérindiennes par les évangélisateurs du xvie siècle pour aider à la conversion de leurs catéchumènes indiens. Dans cet esprit, nous proposons donc le Traité des sorcelleries et sortilèges du religieux franciscain Fray Andrés de Olmos qui, en 1553, représente un modèle exceptionnellement exemplaire du genre.