Trois coqs sur la banquise
Le port de la mer de glace 2
« La corne de brume de la Marie-Rose avait émis un cri étranglé, un peu comme un klaxon de vieux tacot, puis s'était prostrée dans le plus grand silence.
- Avec ce brouillard, faudrait pas qu'on aille se faire couper en deux par un chalutier, dit l'Amiral. Faites du bruit !
La Bévote alla se poster à l'avant du bateau avec ses tam-tams, Fernando à l'arrière avec deux couvercles de faitout en guise de cymbales. Tobby s'empressa de se joindre au concert, coursant les coqs sur le pont en aboyant, lesquels protestèrent par des claquements d'ailes et des cris ulcérés. De son côté, Gérard, dès qu'il sentait un peu de mou dans l'orchestre, entamait La Paimpolaise à pleins poumons. On imagine la tête des marins entendant un tel barnum dans le brouillard, à deux cents milles de la côte la plus proche... De quoi redonner vie aux plus folles histoires de vaisseaux fantômes.
La nuit était tombée depuis longtemps quand le brouillard commença à se dissiper. Gérard prit le premier quart :
- Tu me remplaces à 4 heures, dit-il au Portos.
Au petit matin, la Bévote et moi buvions tranquillement le café, quand Fernando passa sa tête dans le carré en nous demandant :
- C'est normal que le soleil se lève à l'ouest ? »
Les héros imbibés du Port de la Mer de Glace sont de retour parmi nous après leur ascension picaresque des Drus : l'Amiral, Fernando, Tobby, l'auteur et un petit nouveau, « la Bévote », accompagné de ses trois coqs. Les voici embarqués - au sens propre - dans une histoire de mer et de glace tout aussi barrée. Mal barrée - toujours au sens propre - serait d'ailleurs plus juste...