La Tunisie de Ben Ali serait-elle en crise ? Depuis la fin des années
1990, l'opposition démocratique retrouve un second souffle. Au sein
de la population, le malaise est également croissant, mais il tarde à
s'exprimer sous une forme active et organisée. Ce paradoxe persistant,
qu'on ne peut expliquer par la seule répression, inquiète Sadri
Khiari. Son analyse met l'accent sur les défaites successives du mouvement
populaire depuis les années 1980. Elle souligne les responsabilités
des oppositions et leurs ambivalences politiques, malgré la
pugnacité dont elles font preuve aujourd'hui. L'auteur passe en revue
les différentes forces qui contestent le régime du président Ben Ali et
souligne la spécificité du mouvement islamiste tunisien. Selon lui, les
difficultés de la mobilisation populaire s'inscrivent également dans
un processus de désocialisation, consécutif au désengagement économique
de l'État dont le caractère bureaucratique et policier ne cesse
de s'affirmer. L'auteur se garde de donner une recette pour mettre un
terme au délitement de la Cité tunisienne. Mais, tout au long de son
ouvrage, un impératif se dégage, que l'on peut exprimer dans les
termes du philosophe Walter Benjamin : si l'opposition démocratique
veut que la Tunisie s'arrache au cercle infernal de l'autoritarisme, elle
doit apprendre à brosser l'histoire à rebrousse-poil. Autrement dit, à
entreprendre d'abord un retour critique sur elle-même.