«Où était-il passé depuis l'Armistice ? Renvoyé dans ses foyers,
prisonnier en Allemagne ? J'avais souvent rêvé de lui. Je pensais
ne plus le revoir et il était là, à cette heure où j'attendais des
Roulieres, au milieu du couloir de la Gestapo.»
Quelque part en France, durant l'Occupation, une cave est transformée
en cabinet de lecture abritant les auteurs allemands mis
à l'index par les nazis. Le personnage, qui enseigne l'allemand
dans une école de jeunes filles, et qui, à l'occasion, effectue des
traductions pour la Gestapo, mène une vie sans histoire, presque
normale malgré la guerre. Jusqu'au jour où, dans un moment de
folie frisant l'héroïsme, il aide un prisonnier juif à s'enfuir et le
cache dans la cave, aux côtés des écrivains allemands bannis...
À travers ce narrateur, dont le sexe demeure mystérieux, Gilles
Rozier évoque, dans une France sans résistance, entre passivité
et lâcheté, une passion nourrie d'ombre, de silence et de désirs
bruts, portée par les fascinantes liaisons de deux langues antagonistes,
le yiddish et l'allemand.