En mai 1983, le Théâtre d'Art populaire de Pékin accueille la première de Mort d'un commis voyageur. Arthur Miller, son auteur, assure lui-même la mise en scène de la pièce. Les obstacles politiques quant à la tenue d'un tel événement se sont avérés surmontables, mais abolir le fossé culturel qui sépare les deux pays relève peut-être de l'utopie. Outre l'océan qui les sépare, c'est aussi un vocabulaire, celui du capitalisme, qu'il lui faut faire entendre : « assurance-vie », « commis voyageur », « rente » relèvent pour la troupe et le public chinois d'une abstraction inintelligible. Au cours des six semaines passées en Chine, le dramaturge américain tient un journal mêlant réflexions culturelles et politiques : il y raconte comment le défi esthétique qu'il s'est lancé se transforme peu à peu en une fascinante expérience humaine.
Ce document littéraire exceptionnel, jusqu'alors inédit en France, tient autant du reportage, à l'instar des Muses parlent de Truman Capote, que des carnets de mise en scène, dans la grande tradition des journaux de Roger Blin ou Jean Genet.
« À un moment donné, lors de ces derniers adieux où nous étions pressés en groupe, je ne saurais dire pourquoi j'ai ressenti une sorte de désespoir ; c'était peut-être la peur, quand tout a été dit et fait, de ne plus avoir la moindre idée de ce que j'étais venu chercher ici - ce que ma pièce signifierait pour les Chinois, et ce que les comédiens en avaient fait du plus profond de leur coeur. »