Gironde, hiver 1847.
Le père Gay n'aimait pas Jean-François
Lesnier. D'abord, il avait toujours été «en
guerre» contre l'instituteur du Fieu, allant
même jusqu'à se battre lors d'un 14 juillet
avec son prédécesseur... Ensuite, bien qu'il
ait été très heureux de vendre sa masure en
viager, il pensait tout de même que l'instituteur
allait l'en déposséder et il ne l'acceptait
pas.
Par ailleurs, Gay ayant eu vent - ce qui n'était
pas difficile - des idées politiques de
Lesnier, il s'était aussitôt décrété royaliste et
fidèle partisan du roi Louis-Philippe. Il cherchait
donc à tout moment à engager la
conversation sur le sujet et tout le monde, au
village, savait qu'il fallait mieux l'esquiver
afin de ne pas perdre de temps en palabres
inutiles.
Et puis, le père Gay était un vieil enquiquineur
- tout le Fieu pouvait en témoigner -,
l'avait été toute sa vie et ne voyait pas pourquoi
il changerait au moment de mourir. Car
il répétait tout le temps qu'il allait mourir,
quand bien même il était persuadé du
contraire.
Alors, lorsqu'il fut retrouvé assassiné, l'Opinion
publique accusa immédiatement l'instituteur
Lesnier : bel homme, amant insatiable,
dépensier, celui-ci avait voulu obtenir plus
rapidement la maison de sa victime.
Arrêté, jugé, condamné au bagne, le destin
de Jean-François Lesnier fût scellé.
Jusqu'au jour où l'enquête allait être reprise...