Il y a dans le cinéma de Terrence Malick un peu plus que du cinéma. C'est à
ce supplément que Philippe Fraisse consacre son essai richement illustré. Les
films de Malick, depuis La Balade sauvage, La Ligne rouge jusqu'à Knight of Cups,
en passant par Les Moissons du ciel, La Ligne rouge, Le Nouveau Monde, The Tree of
Life, À la merveille, offrent un imagier bruissant de voix chuchotantes qui invite
à la méditation et à une expérience intérieure. Dans le vacarme des sociétés de
contrôle médiatique pareille oeuvre est source de contresens. Malick est travesti
en propagandiste du christianisme alors qu'il parle d'anges, d'amour et
de théophanie. S'il est aussi qualifié de poète pastoral, c'est parce qu'il filme
la nature en saisissant une lumière qui est la manifestation d'une lumière invisible,
celle de l'esprit. Jamais chez ce cinéaste ce qui est donné à voir ne relève
du spectacle, posé devant nous comme artifice à consommer. Il cherche les
images-états, les images-perceptions qui effacent la distance du sujet à l'objet
afin d'ouvrir un espace qui n'est plus de contrôle ou de représentation mais
de présence. Puisse son cinéma, contre toute certitude, irriguer à nouveau les
lits des rivières asséchées, et rendre à nos vies les symboles dont nos vies se
nourrissent.