Nichée depuis l'an 515 dans un goulet de la vallée du Rhône, l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune en Suisse détient un record dans la chrétienté occidentale avec 1 500 ans d'activité ininterrompue. Elle compte parmi les rares abbayes territoriales qui dépendent directement de Rome. À l'entrée d'un canton rural à forte tradition catholique, et à proximité du canton de Vaud majoritairement protestant, elle occupe une place particulière dans l'espace catholique.
Connue aujourd'hui pour son collège-pensionnat et pour les pièces somptueuses de son trésor d'orfèvrerie médiévale qui fait d'elle une étape sur la route touristique du Valais, elle a subi des évolutions majeures entre le Kulturkampf et le Concile Vatican II dont les détails ont longtemps échappé à l'historiographie. L'abbatiat de Joseph Mariétan (1914-1931) apparaît comme le point d'orgue de cette période perçue comme un âge d'or. Sous l'égide de ce prélat, l'institution se signale par son activisme en faveur de la presse, l'imprimerie, l'enseignement, la diffusion du néothomisme, la promotion de l'art sacré, le recrutement d'aspirants chanoines et les missions en Asie. Bien qu'inscrits dans la plus pure tradition et orthodoxie catholiques, ces engagements ont suscité leur lot de crises et de mythes dont cet ouvrage présente une lecture critique.