Le philosophe et algébriste britannique Alfred North Whitehead
(1861-1947) est une figure marquante, quoi que peu connue
en Europe francophone, de la pensée XXe siècle. Son parcours
intellectuel est exceptionnel : à Cambridge (1880-1910), il enseigne
les mathématiques appliquées et publie un monumental
traité d'algèbre (A Treatise on Universal Algebra, with Applications,
1898) avant de se lancer, avec son ancien élève Bertrand
Russell (1872-1970), dans le projet des Principia Mathematica
(1910, 1912, 1913) ; il poursuit son enseignement à Londres
(1910-1924) tout en se concentrant à présent sur les implications
épistémologiques de la relativité einsteinienne ; enfin, à
Harvard (1924-1947), il enseigne la philosophie et conçoit le
projet d'une nouvelle synthèse métaphysique qui culmine avec
la publication de Process and Reality (1929).
Quelle que soit la manière dont on comprenne les différents
aspects, nuances et implications du développement de la pensée
de Whitehead, ses Principes de la connaissance naturelle
(1919/1925) demeurent un texte-charnière qui voit la mise en
pratique d'outils logiques (méréo-topologiques) dans un contexte
épistémologique relativiste à l'horizon duquel se profile une réforme
ontologique majeure : c'est bien dans les Principes qu'il
introduit le concept d'«avancée créatrice».