"Une histoire sans nom" est sans doute le chef-d'oeuvre de l'auteur des "Diaboliques". Les deux romans relèvent d'ailleurs de la même veine. Le récit débute avant la Révolution, dans une petite ville du Forez. C'est le temps de Carême et le père Riculf est venu prêcher dans la bourgade. Il est hébergé chez la baronne de Ferjol, veuve et fervente catholique dont la religion a tourné à la bigoterie rigoriste. Mère dominatrice, elle vit seule avec sa fille unique, Lasthénie. Le prêtre disparaît mystérieusement le samedi saint. Peu après, Lasthénie commence à souffrir de malaises. Mme de Ferjol réalise que sa fille a été déshonorée. Celle-ci est enceinte mais, ayant été violée au cours d'une crise de somnambulisme par le prêtre infâme, elle ne peut dire qui l'a séduite et qui lui a volé en même temps la bague de famille qu'elle portait au doigt. Elle met au monde un enfant mort puis se suicide en s'enfonçant des épingles dans la région du cœur. À la faveur de la Révolution, le prêtre devient un chef de bande terroriste. On le retrouve plus tard agonisant, désespéré, la main coupée. Mme de Ferjol récupère la bague volée et tourmente l'ancien prêtre jusqu'à sa mort. Barbey d'Aurevilly a su allier dans ce roman envoûtant les deux grandes formes de son art: le roman pittoresque et le roman psychologique. Le personnage de Lasthénie a d'ailleurs donné son nom à un syndrome décrit en psychiatrie: le "Syndrome de Lasthénie de Ferjol", une pathomimie dans laquelle la patiente développe une anémie par des hémorragies qu'elle se provoque elle-même. "Une histoire sans nom" est suivi dans ce volume de trois nouvelles: "Une page d'Histoire" où l'on retrouve les thèmes de la beauté et du mal, du secret et du crime, "Le Cachet d'Onyx" qui se conclue par un dîner d'athées (comme dans "Les Diaboliques"), et "Léa", une histoire d'amour impossible entre le narrateur et une jeune fille malade et épuisée.