Dans ces nouvelles, point de héros déclaré, de grande destinée, de situations historiques. Et pourtant aussi tout cela à la fois, au diapason de la vraie vie, celle qui, dit-on, dépasse souvent la fiction et brouille sans cesse les certitudes : l'odeur d'amour finit par corrompre le plaisir adultère (Une odeur d'amour), l'artiste appelé en Algérie lit Camus dans le bled (Le gros lot), le marginal sur son île se voit rattraper par des honneurs très officiels (L'invitation)...
De la diversité labyrinthique de ce recueil émerge pourtant un fil d'Ariane, au difficile nom de liberté. Difficile car - semblent dire ces textes solitaires - si rarement atteint qu'il est courant de l'oublier. Ici, l'écriture déliée de Gérard Le Gouic la retrouve simplement au coin de la rue : «Il aimait le fond sonore des conversations auxquelles il ne s'intéressait pas, mais qui favorisaient ses rêvasseries sans rêve, sa consommation sans soif, la perte de son temps sans rien avoir à gagner ailleurs. Il était sensible à ce détachement des autres sans rompre leur contact, à ce renoncement passager à soi-même.»
Neuf nouvelles incisives, parfois sensuelles, exotiques, chamarrées ou bien kafkaïennes, grises, désillusionnées. Histoires terriblement humaines où pointe une ironie qui n'atteint pas à la misanthropie, mais milite pour que perce l'aventure au détour du quotidien.
Poète, écrivain, éditeur (avec Telen Arvor), Gérard Le Gouic est une figure littéraire bretonne à l'œuvre depuis longtemps reconnue, au gré de nombreuses publications de recueils de poèmes, journaux, récits et nouvelles.